dimanche 25 juillet 2010

Eveil-matin

Bienvenue à Nara, comme promis, voici un petit compte rendu du long week-end que j'ai passé la semaine dernière dans cette ville qui est peut-être une des plus belles parmi celles que j'ai pu visiter jusqu'à présent. Nara était la première capitale du Japon, pendant un peu moins d'un siècle. Et ça commence à dater puisque c'était juste avant le règne de Charlemagne... Ca nous rajeunit pas tout ça. Ceci dit, même si le 8ème siècle, ça sent pas le neuf, c'est quand même tard pour établir une capitale pour la première fois non ?! En fait il y a une raison plutôt originale : jusqu'alors, les shintoïstes considéraient que la mort était une impureté, et donc quand le chef mourrait, ils détruisaient les palais et s'établissaient ailleurs.

Et justement, même si Shintoïsme et Bouddhisme ont fait bon ménage, vous verrez que Nara se visite surtout pour ses temples Bouddhistes très nombreux et très spectaculaires. Déjà, les japonais avaient importés de Corée les caractères chinois, ce qui entre nous était une bien mauvaise idée. C'était au 4ème siècle me dit internet. Cela montrait déjà l'influence de la Chine dans cette région, et aussi la fascination que portaient les Japonais vis à vis de leurs voisins. A peine plus tard et probablement dans le même état d'esprit, c'est aussi des chinois et des coréens qu'ils ont importé le Bouddhisme.

Ces temples se situent près du coeur de la ville, et ont été préservés de l'urbanisme japonais dont j'ai souligné à maintes reprises ses proportions. Ils se situent en effet dans un grand parc où circulent encore librement des daims. Ces commentaires rappellent donc peut-être un peu l'article précédent sur l'île de Miyajima.



Depuis la semaine dernière, j'ai appris que les daims étaient considérés comme des messagers des dieux, ce qui explique le respect que les japonais leur portent. Néanmoins, je continue personnellement de croire qu'à côté de la théorie, ils ne pensent qu'à bouffer. Etant donné le nombre de touristes à Nara, les daims sont d'ailleurs un peu plus agressifs et comme ils aiment manger le papier, il faut faire attention à son guide de voyage.

Dans ce parc, voici d'abord le temple principal de Nara : le Tôdai-ji, probablement le temple principal à l'intérieur duquel se trouve une statue géante d'un Bouddha (j'y reviendrai un peu plus tard).



Cette photo, prise d'assez loin, suggère que beaucoup de temples à Nara sont imposants. Il se fondent par ailleurs complètement dans la nature et présentent eux-mêmes d'incroyables structures en bois. La photo ci-dessus présente le bâtiment principal d'un temple mais en général, chaque temple est d'abord précédé d'une porte comme celle-ci:



Ces portes sont d'ailleurs déjà intéressantes en soi, en particulier parce qu'elles abritent des gardiens qui ont pas l'air commode :



On appelle ces gardiens des niô, ils sont des rois célestes. Ils n'ont pas atteint l'illumination comme les Bouddhas, mais ils sont quand même considérés comme supérieurs aux hommes. De la même manière que les chiens-lions des temples shintoïstes, ces niô apparaissent en général par paire : un de chaque côté de la porte et eux aussi semblent prononcer "AUM". "AUM" est un son bien particulier dans le bouddhisme, on appelle ça aussi un "mantra", c'est à dire un son utilisé dans la méditation qui peut produire un effet bénéfique si on le prononce comme il faut. "AUM" en l'occurence est le mantra le plus important, c'est le son primordial, c'est à dire le commencement de l'univers. Mais il représente aussi l'univers entier, la "totalité", rien que ça.

Ceci m'amène donc à décrire à peine ce qu'est le Bouddhisme. Très succinctement d'ailleurs, tout simplement parce que le bouddhisme est une "religion" extrêmement ramifiée que je ne connais pas assez bien pour pouvoir m'étendre largement sans dire trop d'âneries. Le peu que j'ai compris, c'est que le bouddhisme vise à s'"éveiller". Je pense que la connotation du mot "éveil" est bien plus compréhensible que n'importe quel commentaire supplémentaire que je tenterais d'écrire. Peut-être que l'éveil consiste à ressentir ce qu'est l'univers dans sa totalité (ce qui renvoie d'ailleurs au mantra AUM que je viens d'évoquer). Pour ce faire, il faut s'affranchir du désir qui est source de souffrance. Néanmoins, (et là attention c'est un point de vue plus personnel), j'ai l'impression que le bouddhisme ne prêche pas une conduite bien précise, un peu comme si chacun pouvait trouver sa voie vers l'éveil. D'ailleurs, les écoles de pensées relatives au Bouddhismes sont innombrables et c'est la raison pour laquelle il est difficile de s'y intéresser au début car on est vite noyé par la complexité de cette religion. Néanmoins, dans cette pagaille, on reconnaît un bouddha historique : Siddartha Gautama dont l'histoire (que je conseille à tout le monde) rappelle par certains aspects celle de Jésus et prône l'ascétisme pour atteindre l'éveil.

Allez, fini de bavarder, place aux présentations. Voici donc Bouddha (pas Siddartha, un autre, dont la statue ci-dessous se trouve au temple Tôdai-ji). D'ailleurs il fait coucou :



Ce genre de statue se trouve en général dans le bâtiment principal d'un temple. La particularité de celui-ci est qu'il fait 18 mètres de haut, ce qui en fait la plus grande construction en bois au monde. La photo ci-dessus ne permet peut-être pas de s'imaginer cette immensité donc voici un profil (pris tant bien que mal avec mon petit appareil) :



Voilà, j'espère que la visite vous a plu. Pour finir, même si la méditation consiste selon certains à faire le vide (ce que je comprends comme supprimer ses pensées et ses sensations), je termine cet article en faisant l'inverse, c'est à dire en mentionnant l'odeur de l'encens (qui joue le rôle du cierge j'imagine) et la couleur des Lotus qui ont accompagné ce voyage nirvanesque.



samedi 10 juillet 2010

Nikkon, ni méchant

Konnichiwa minna san. Méfiez-vous je commence à faire des progrès en japonais. Petit à petit ce blog risque d'emprunter des mots étrangers, à la manière d'une interview de Mary Pierce ou de Lesly du Loft Story 2. Pour les premiers de la classe, dont on supposera qu'ils n'étaient pas concernés par les exemples précédents, je viens de découvrir qu'on appelle ça le pérégrinisme ou le xénisme, bref je me coucherai moins con ce soir à défaut de briller en société puisqu'ici tout le monde s'en fout.

Comme vous le voyez, ma santé mentale va bien. Ici la vie continue comme un long fleuve zen. Vous le savez peut-être mais je confirme que les saisons sont très marquées au Japon. Et quand je lis la presse française sur internet qui ose parler de canicule, ça me fait bien rigoler. Ha ! Bon j'espère quand même que vous allez bien. Ici, il fait donc de plus en plus chaud et de plus en plus humide ce qui plaît bien aux grenouilles-taureaux dont je remarque qu'elles n'ont toujours pas changé de note depuis un mois.

Pour voir de la nouveauté, il faut donc se déplacer. Et aujourd'hui je vous invite par la pensée à prendre le moyen de locomotion emblématique du Japon qu'est le Shinkansen !



Le Shinkansen est l'équivalent de notre TGV, en un peu moins rapide peut-être, mais surtout en beaucoup plus confortable à l'intérieur (et de loin !!!). Ce train est plus original qu'il n'en a l'air, et j'irais même jusqu'à dire qu'il fait partie intégrante de la visite. A l'intérieur, les contrôleurs qui traversent le train s'arrêtent deux fois à chaque wagon (à l'entrée et à la sortie) pour faire une courbette aux voyageurs. Question courbette, ces contrôleurs sont de véritables champions anonymes, capable de faire un parfait angle droit sans exprimer le moindre rictus de crispation. Et puis comme vous le voyez aussi sur la photo précédente, le Shinkansen a vraiment une belle gueule je trouve, leurs museaux sont presque toujours différents mais toujours très futuristes.

Ce Shinkansen nous emmène environ 300 kilomètres à l'Ouest. Destination Miyajima, une île située tout près d'Hiroshima. J'espère que les quelques clichés qui vont suivre vous convaincront qu'il s'agit d'une île vraiment magnifique. Miyajima est essentiellement connue pour son torii (un portique shintô) qui est l'une des trois vues les plus célèbres du Japon.



Ce portique est je pense le deuxième "monument" le plus photographié au Japon ce qui n'est pas peu dire.

La fonction d'un torii est tout simplement de délimiter un lieu sacré. Ici comme vous le voyez, le torii est dans la mer et c'est toute l'île qui est considérée comme sacrée. Et c'est une très bonne nouvelle ! Car la conséquence immédiate est que cette île est parfaitement préservée de tout urbanisme excessif. Le village bâti autour du temple shintoïste d'Itsukushima (à mes souhaits) compte à peine 2000 habitants... Même s'il y a beaucoup de touristes, cela rend la visite très agréable.



Même sur l'île, le relief est montagneux, comme partout ailleurs, et le brouillard crée une atmosphère mystérieuse très japonaise.



L'ensemble de l'île possède des règles bien spécifiques qui donnent l'impression d'être coupé du monde réel. Par exemple, il n'y a ni maternité ni cimetière étant donné qu'il est interdit d'accoucher ou de mourir dans ce lieu sacré. Par ailleurs, il est interdit de couper un arbre, ce qui explique sûrement le fait que le site est couvert d'une forêt vierge. Au contraire, près du temple, on peut apercevoir qu'un tronc d'arbre, qui a une forme énigmatique, est mis en valeur comme s'il était élevé au rang de Kami.



Ainsi, cet île est une fois de plus une parfaite illustration du respect que portent les japonais vis à vis de la nature. Ce constat étant dressé, on ne s'étonne presque plus de rencontrer des daims qui se promènent en totale liberté, et qui sont parfaitement habitués à la présence humaine.



Sans vouloir gâcher ce tableau idyllique, j'ai trouvé que les daims étaient assez peu spirituels par rapport au cadre : ils ne pensent qu'à bouffer. En particulier, ils ont l'air d'apprécier cette spécialité ci-dessous qui ressemble à du poulpe (et qui complète la liste des choses étranges à se mettre sous la dent dans ce pays) :



Toujours dans le chapitre animalier, voici le genre de faune que l'on peut découvrir ici si on fait bien attention :



Est-ce un kami lui-aussi ? Peut-être. Mais il y en a d'autres pas loin (des kamis, pas des crabes) : dans le temple Shintoïste que j'ai déjà évoqué et que je compte vous faire visiter. Le temple d'Itsukushima (à mes amours) est bien plus grand que ceux que j'ai visités jusqu'à présent. Mais si sa grande taille est originale, les éléments qui le constituent correspondent en tout point à ce que j'avais déjà décrit dans un article précédent à propos du sanctuaire d'Ikuta de Kobe. Ce sera donc une séquence révision ! D'abord, on n'oublie pas de se purifier :



Puis, nous sommes accueillis par les chiens gardiens du temple que vous connaissez bien maintenant.



Le rouge est omniprésent





La photo suivante correspond à l'endroit où se situe un kami. Il faut donc mettre une pièce, sonner la cloche, saluer, taper deux fois des mains (pour attirer l'attention du kami ?) et re-saluer.



D'autres clichés qui me donnent envie d'y retourner :





En conclusion de cet article, je vous ai dit que cette île se trouvait près d'Hiroshima qui est certainement une étape "importante" quand on a la chance de passer du temps au Japon. Mais de façon générale, l'histoire d'Hiroshima s'adresse à tout de monde et a peu de choses à voir avec une visite. Je me limiterai à écrire que cette ville est maintenant reconstruite. Seul le dôme de la bombe A, fait en béton armé et situé juste au dessous de l'explosion a été laissé tel quel.



Pour le reste, je ne suis probablement pas capable d'écrire sur une horreur pareille. Cette histoire-là doit cependant être entendue, c'est certain, c'est plus que nécessaire, même si ce qu'on y découvre est extrêmement choquant et douloureux.

Enfin je m'excuse d'avance de ne pas pouvoir mettre à jour mon blog la semaine prochaine. Car le week-end prochain -allongé grâce à un jour férié : le jour de la Mer - Ruri va venir dans le Kansai (qui est le nom de la région où je me trouve) et nous allons visiter Nara ! Cela sous-entend donc que la pause de ce blog ne sera que très temporaire.

A très bientôt alors !!

jeudi 1 juillet 2010

Hymne à la joie

Après 3 mois déjà d'aventures nippones, je voudrais aujourd'hui prendre un peu le temps de vous raconter une des plus belles choses qui me soit arrivé dans mon quotidien depuis mon atterrissage, à savoir les cours de japonais organisés à Sanda.

J'y suis allé un peu par hasard au début, sachant que ce n'était pas du tout dans mes plans étant donné que jusqu'à présent, j'ai toujours appris le japonais en autodidacte avec des bouquins (qui sont d'ailleurs parfois très bien faits). Mais après tout, une collègue m'en avait dit du bien, et même si on ne peut pas vraiment se réjouir par avance de rencontrer des gens qu'on ne connaît pas encore, il est probable qu'un déménagement en terra incognita pousse à aller vers autrui plus qu'à l'accoutumée.

Et quelles ne furent pas mes surprises dès le premier jour de "classe"!! La première est financière, ce qui n'est pas négligeable me direz-vous... Un chou est un chou. Mais quand même : 18 euros pour 6 mois !... Quand on a vécu 7 ans et demie à Paris, ça fait comme un choc. Pierre Bellemare peut aller se coucher. Miss Bettencourt n'en parlons pas. A ce tarif là, vous aurez compris que les profs sont bénévoles.

J'en profite pour glisser une petite parenthèse dont je m'excuse platement par avance pour son contenu légèrement politique. En effet, jusqu'à présent, je réservais aux heures les plus tardives à mes interlocuteurs de l'Académie de la Bière (boulevard du Port Royal, 5ème arrondissement) l'idée d' une "utopie" qui consisterait en une société où la nourriture, le logement et l'éducation au sens large serait totalement gratuits pour tous. Cessez de rire, ensemble tout est possible, à condition d'être ensemble. Voici donc cette idée gravée dans les pixels de ce blog.

Même si l'école publique est un exemple non négligeable et vraiment beau de l'"éducation gratuite" (je dis pas ça pour cirer les pompes des profs qui me lisent), les exemples d'organismes qui à l'inverse monnayent le savoir sont innombrables vous le savez bien et c'est une honte travailleuses travailleurs etc. Toujours est-il que ces cours me permettent de me confronter à un autre exemple d'"éducation gratuite", un système en dehors non seulement de l'argent mais aussi de toute forme de compétition.

Mais à 18 euros pour 6 mois, "on a droit à quoi ?" me demanderez-vous ? Deuxième surprise : on a droit à un cours individuel par semaine et qui dure environ une heure et demie ! Certes je reconnais que cet aspect là est plus proche du luxe que de l'utopie. Mais ce n'est pas fini ! 3ème surprise ! On me demande pourquoi je viens, et ce que j'attends de ces cours. Banal me direz-vous ? Et pourtant en y réfléchissant bien, je pense que c'est intelligent de demander pourquoi on vient. Surtout quand il s'agit de cours de japonais où l'apprentissage des caractères chinois n'a rien à voir avec l'apprentissage du japonais oral, ni avec des cours de "culture japonaise", ni même peut-être avec la préparation d'un examen par exemple. Pour l'anecdote, parmi les diverses propositions suggérées, il y avait aussi "je viens pour parler à des gens". Dans un premier temps, je ne vous cache pas que ça m'a semblé ridicule. Certes j'étais aussi là pour ça mais de là à le formaliser noir sur blanc, ça me donnait l'impression de réclamer une assistance sociale (ce qui n'est d'ailleurs pas un gros mot). Dans un deuxième temps, conditionné par l'omniprésente compétition, j'ai cru à un piège en me disant que celui qui cherche seulement à parler un peu avec quelqu'un ne doit pas être très motivé pour apprendre le japonais. Puisque cela fait maintenant plus de 2 mois que je rencontre ces professeurs de japonais, je peux certifier que la dernière préoccupation de ces gens-là est de tendre des pièges à quiconque. Ayant chassé la théorie du complot, et un peu honteux d'avoir été si paranoïaque, j'en viens donc au troisième temps : celui où je me dis que finalement, c'était aussi une très bonne idée de proposer cette option ! Après tout, on peut trouver ça beau de venir pour parler à quelqu'un. Enfin moi je trouve ça beau, pas vous ?

Dans ces conditions, autant vous dire que je me sens comme un poisson dans l'eau. Certes je suis aujourd'hui dans la peau (l'écaille donc) de celui qui en profite mais je suis au moins ravi d'observer concrètement ce bel engagement que partagent beaucoup de professeurs (à la louche une bonne quarantaine, ce qui correspond au nombre d'élèves). Par ailleurs, il n'est pas surprenant de constater qu'à partir de bases aussi saines, les gens viennent à ces cours avec le sourire, c'est le moins qu'on puisse dire et ils se parlent très spontanément. Je disais au début de cet article qu'on ne peut se réjouir par avance de rencontrer des gens qu'on ne connaît pas encore (c'est d'ailleurs un peu laborieux comme phrase). Je ne manquerai pas de rajouter qu'après coup, je me réjouis vraiment d'avoir rencontrer ces gens-là qui sont remarquables et qui deviennent peu à peu des amis.

En conclusion de cet article, vous aurez remarqué qu'il n'y a pas de photo mais je me rattraperai la semaine prochaine probablement. Néanmoins, sans avoir cherché forcément à vous convaincre, j'espère que ces quelques lignes vous auront soit touché, soit donné des idées, soit rappelé des initiatives comparables que vous avez déjà menées ou que vous avez décidées. Je voulais en tout cas vous faire partager cette expérience !

Je vous embrasse tous !! J'en profite aussi pour dire que j'ai bien conscience que je réponds peu aux commentaires (publics ou parfois privés) et m'en excuse même si j'essaie parfois de répondre dans le texte quand le sujet s'y prête. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que je me suis risqué à manger des pinces de crustacé (toujours non identifié) la semaine dernière. Mais surtout je tiens à vous remercier pour vos messages qui me font bien plaisir et suis toujours ravi d'avoir de vos nouvelles. Je vais m'arrêter là parce que je ne fais que raconter depuis le début que tout le monde il est gentil. Je vous embrasse à nouveau donc, bénévolement en plus, j'espère que vous vous en rendez compte.