jeudi 17 juin 2010

Riz-blé-riz

La grande fête a donc commencé ! Apparemment toute la planète a les yeux rivés vers le même objectif, ce qui est assez impressionnant. Et le Japon ne fait pas exception ! C'est un peu le sujet de conversation du moment au labo bien entendu, même si je trouve que l'engouement est peut-être un peu moins fort qu'en France. Après tout, le foot est loin d'être le sport n°1 ici, et le moins qu'on puisse dire, c'est que les japonais ne sont pas aussi optimistes que leur entraîneur qui vise les demi-finales. Il faut dire qu'avec leurs matches de préparations, il y avait de quoi être dubitatif (un seul match nul contre le Zimbabwé). Il n'empêche qu'ils ont fait un démarrage canon, à l'image de Honda évidemment qui avait du gaz ce soir là. C'est pas comme certains, suivez mon regard :



Je prends des risques là, parce que je rédige cet article avant le match contre le Mexique, et que j'aurai l'air malin s'il nous met un triplé. Allez c'était juste pour rire, moi je dis qu'ils vont la gagner cette coupe (là aussi je prends des risques), suffit de trouver le bon produit. D'ailleurs des produits, j'envisage d'en prendre en ce moment, car comme vous le voyez ci-dessus, il faut se lever tôt pour "profiter du spectacle". Détail non négligeable qui n'apparaît pas ici : à la fin du match, vers 5h30 environ, il fait jour dehors, mais pas assez pour calmer l'excitation de nos vuvuzelas locales que vous connaissez bien maintenant.

Bref, depuis quelques temps, je commence à avoir de belles valises sous les yeux. Et comme en plus dimanche dernier il a plu comme une grenouille qui pisse, j'ai préféré rester chez moi. Je vais donc en profiter aujourd'hui pour décrire ici mon travail, ce que j'ai pas vraiment fait jusqu'à présent alors que j'y passe un certain temps. Je vous rassure, il y aura pas d'équation, et même si je sais bien que ça intéressera peut être pas tout le monde, je vais quand même tenter de vous transmettre la passion des nanocristaux semi-conducteurs. Plus sérieusement (ça commence mal si je pars comme ça) j'espère aussi que vous me comprendrez un peu, car c'est parfois frustrant d'avoir du mal à communiquer avec son entourage sur ce sujet je trouve. Et contrairement à ce qu'on peut parfois imaginer, c'est aussi intéressant des fois la physique (si si) !

Donc une nanoparticule comme je le disais dans un article précédent, c'est tout simplement une très petite particule. Tellement petite qu'on peut pas y mettre grand monde dedans, à peine quelques atomes. Il y en a de toutes les formes, et vous verrez que ça a son importance, mais pour l'instant je m'intéresse qu'à des particules bien rondes, ou alors à des sortes de bâtonnets. Ces particules nous intéressent d'abord (mais pas seulement) parce qu'elles émettent de la lumière. Sans trop rentrer dans les détails, il existe plusieurs façon d'émettre la lumière, la plus connue étant la lampe à incandescence qui comme son nom l'indique consiste à chauffer à fond du métal. Ici c'est un peu différent. Pour que la nanoparticule émette de la lumière, il faut... lui envoyer de la lumière. Ca a l'air débile dit comme ça, mais finalement ça ne l'est pas tant que ça. Après tout, imaginez que vous avez une lampe bleue et que vous éclairez une feuille blanche, et bien la feuille sera bleue. En quelque sorte c'est comme si la feuille émettait de la lumière bleue. Et bien faisons la même chose avec une nanoparticule ! Ah... tiens, elle émet de la lumière rouge. Que s'est-il passé ?

Et bien dans un premier temps, la nanoparticule a absorbé la lumière bleue. Si la lumière est un ensemble de "grains de lumière" (des photons), vous pouvez alors vous imaginer qu'un photon arrive sur la particule et se fasse hara-kiri dans la particule. Tant de violence n'est pas sans conséquence dans la particule. Elle était auparavant tranquille sans lumière, dans son état le plus stable qui soit, et la voilà désormais "excitée". Excité, ça veut dire qu'à l'intérieur de la nanoparticule, un électron (qui tourne autour d'un atome) s'est éloigné de son atome, tout ça à cause du photon kamikaze je le rappelle. Puisque l'électron a quitté sa place, il a laissé derrière lui comme un vide. On appelle ça "un trou".

Maaais ... l'histoire des feux de labour ne s'arrête pas là. N'oublions pas que l'électron et le trou ne vivent pas dans un 120m². Le fait que la nanoparticule soit si petite va les obliger à se rencontrer de nouveau et à se réconcilier. Une fois que l'électron aura fait les cents pas dans la nanoparticule, il se sera un peu calmé, et de la même manière qu'un photon a généré une paire "électron-trou", l'électron va retrouver son trou en générant un photon. Comme je vous ai dit qu'entre temps l'électron s'était un peu calmé, l'énergie du photon sortant est moindre que celle du photon entrant. C'est pour ça que la nanoparticule émet du rouge, parce que le rouge, ça a moins d'énergie que le bleu, c'est pas comme en foot.

Pigé ? Et bien ce que j'ai raconté ici, c'est ce qu'on appelle la fluorescence. J'ai dit "rouge" ici pour donner un exemple mais on peut très bien faire aussi du jaune, du vert, du orange : on peut en fait choisir la couleur en modifiant la taille de la nanoparticule. La photo suivante est une photo de famille où tout le monde est éclairé avec de l'ultra-violet (encore plus énergétique que le bleu) :



Maintenant, faisons un peu plus compliqué. Supposons qu'on envoie beaucoup de lumière bleue à la fois. Et bien au lieu d'avoir un seul électron qui quitte son trou, on aura plusieurs électrons qui quitteront leurs trous. Ca fait beaucoup de divorcés dans un espace si restreint. Forcément il va se passer des choses bizarres. Supposons par exemple qu'on ait deux couples de divorcés (donc 2 électrons et 2 trous au total). On s'attendait à ce que chaque recombinaison "électron-trou" donne lieu à un photon rouge comme d'habitude. Et bien non. En fait, un électron va bien se recombiner avec un trou, mais bizarrement, cette recombinaison ne va pas créer un photon rouge. Et la conservation de l'énergie alors ? Et bien suite à cette première réconciliation/recombinaison, sachez que le deuxième couple électron-trou va encore plus s'énerver. L'électron restant s'éloignera encore plus de son trou. A force de jouer avec le feu (ou plutôt avec la lumière), cet électron restant sera si excité qu'il aura une énergie suffisante pour quitter pour de bon la nanoparticule, en disant "Au-revoir" tel Giscard.

Et c'est comme ça qu'on en arrive au drame. Parce que derrière on a une nanoparticule avec à l'intérieur un trou définitivement célibataire, donc si un photon supplémentaire a le malheur d'arriver pour se faire hara-kiri, on se retrouve avec 2 trous et un électron... Ahhh les feux de labour ! Je vous épargnerai les détails cette fois, mais vous comprendrez intuitivement que ça fait pas non plus des étincelles. Concrètement, la nanoparticule est donc éteinte.

Alors mettons nous maintenant deux secondes à la place d'un biologiste. Débordant d'enthousiasme, il décide un bon matin d'accrocher ces nanoparticules à des protéines (qui sont les briques de notre organisme). La plupart du temps il fait ça avec un rat d'ailleurs, enfin chacun son métier. En éclairant le rat avec de la lumière bleue (comme en discothèque), et en filtrant la lumière rouge qui lui revient, il peut suivre en live le parcours des protéines qui l'intéressent. L'inconvénient, comme je vous l'ai expliqué précédemment, c'est qu'à un moment donné, la particule sera sujette à des histoires rocambolesques qui donneront lieu à une coupure de l'image et du son (je déconne pour le son).

L'objet des recherches de mon labo consiste donc d'une part à trouver un moyen pour limiter les impacts des ces surexcitations d'électrons. Pour cela on met en place par exemple des coquilles (à la manière d'un M&M's) autour de la nanoparticule pour récupérer les électrons trop excités. On améliore ainsi la luminescence des nanocristaux utilisés pour la biologie.

D'autre part, comme indiqué précédemment, les particules peuvent prendre la forme d'un bâtonnet. Cette forme allongée permet à l'électron et au trou de s'éloigner plus facilement l'un de l'autre (chacun dans son coin donc). L'effet désiré est donc ici l'inverse de la production de lumière : on ne veut surtout pas que l'électron et le trou se retrouvent, on va plutôt les récupérer pour en faire du courant électrique (j'ai oublié de dire que le trou est comme une charge positive). Dans ce cas, on transforme donc de la lumière en électricité : ces nanoparticules sont donc également étudiées pour la recherche sur les panneaux solaires.

Pour terminer, contrairement aux Feux de Labour, tout se passe très vite dans le monde des nanocristaux. La réconciliation électron/trou prend environ 10 nanosecondes (un milliardième de secondes), mais le clash entre deux couples électron/trou (plus communément appelé "recombinaison Auger" du nom du premier témoin d'une telle scène) prend environ 10 picosecondes (1000 fois plus rapide donc que la nanoseconde). Ces ordres de grandeurs permettent de comprendre qu'il faut un matériel bien spécifique pour observer de tels phénomènes. C'est justement ce qui est représenté sur la photo suivante (comme ça je vous aurais fait visiter le labo !).



On voit pas très bien mais ce sont surtout des miroirs, des lentilles et des diaphragmes.
Quant aux lasers, ils sont pas bien loin, il faut juste tourner la tête (ce sont les deux grosses boîtes blanches au milieu et à droite) :

1 commentaire:

  1. Excellente explication :)
    Au fait, tu utilises quels lasers pour ca ? (à part UV)

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