vendredi 7 mai 2010

Carpe Diem

La scène se déroule dans le métro. Une jeune fille, probablement lycéenne, s'installe en face de moi. Tout dans son style faisait couleur locale, de la jupe très courte aux chaussettes remontées au niveau des mollets. La frange coupée nette de façon bien droite et les pointes des pieds tournées vers l'intérieur. Elle sort alors un petit paquet de nouilles et bien sûr les baguettes qui vont avec. C'est l'heure du goûter. Bref, si l'on en croit les apparences, je suis toujours au Japon.

Le métro quant à lui se dirige vers Osaka, où je dois prendre un bus de nuit qui m'amènera à Yonezawa, la ville où travaille Ruri. Je vais donc m'attarder aujourd'hui sur cette région assez particulière où j'ai passé 5 jours ! 5 jours ?!! Mais c'est bien plus que le minimum syndical japonais me direz-vous ! Certes, c'est une occasion très spéciale, qui correspond tout simplement à une succession de jours fériés. A cette période, c'est tout le Japon qui est en vacances en même temps, ce qui peut donner lieu à des bouchons assez fantastiques sur les routes. D'ailleurs, les japonais appellent ça la "Golden Week".

C'est donc au moins parti pour une golden nuit de plus de 10 heures de bus, car Yonezawa c'est loin !! Plus précisément, c'est toujours sur l'île principale du Japon (Honshu), mais bien au nord de Tokyo. Le climat est en général très froid, ce qui fait que j'ai encore profité des cerisiers en fleurs là-bas (alors que ça fait belle lurette que les arbres d'Osaka se sont dégarnis). Mais ya plus de saison ma pauv' Lucette ! Ainsi j'attrapé mes premiers coups de soleil tellement qu'il chauffait le Barnabé !



Outre les aléas météorologiques, l'autre particularité de Yonezawa (et peut-être de la préfecture correspondante qui est Yamagata) est son caractère "rural". Je mets des guillemets parce que tout est relatif, en particulier Wikipedia vient de me dire qu'il y a près de 100 000 habitants à Yonezawa. Mais il demeure vrai que cette région n'est pas comparable au Kanto (Tokyo et ses environs) ni au Kansai (Osaka). Rural ou pas, cette région est en tout cas très peu touristique, ce qui présente de réels avantages. D'ailleurs, je suis presque le seul de mon labo à m'y être rendu. Cela confirme la règle selon laquelle les étrangers visitent souvent plus un pays que les autochtones. Quoi qu'il en soit, les Yonezawaïens sont sûrement très peu habitués à voir des basques au teint clair, puisque je me suis fait interpellé à plusieurs reprises en me baladant en ville.

Quitte à passer pour un touriste, autant faire en sorte que cela soit justifié. Me voici donc rendu au principal lieu touristique à proximité qui est le Temple de Uesugi.



N'ayant pas fait mon catéchisme en version Shintoïste, je m'excuse par avance de la grande imprécision de mon récit. Mais de ce que j'ai compris, un des aspects du shintoïsme est d'associer à divers éléments de la nature (par exemple une pierre, un cours d'eau mais aussi un personnage important) un caractère sacré.
En l'occurrence, la star de la semaine était la carpe. Le "prêtre" dans la photo suivante est d'ailleurs peut être en train de célébrer ce noble animal.



Pour tout vous raconter, le 5 mai est en fait le jour des enfants et à cette occasion, on accroche des carpes en tissu dans les rues. Leur taille et leur couleur permet d'ailleurs de repérer s'il s'agit du père de la mère ou des enfants :



Des carpes, la fêtes des enfants, un temple shinto, tout ça donne un peu l'impression que ce blog part en banane. Pour vous donner un semblant de lien, la carpe symbolise le courage, la persévérance (comme la carpe qui remonte un cours d'eau), des valeurs qu'on ne peut que conseiller à des enfants tout simplement.

Pour les experts en carpe qui me lisent, il s'agit plus précisément de la carpe "Koï" que l'on retrouve très souvent dans les temps Shintoïsto-Bouddhiste. Et elles sont très jolies (avec des taches colorées sur leur peau) et tellement appréciées qu'elles se revendent à prix d'or !! Comme dirait Obélix, "Ils sont fous ces japonais".

Parallèlement à ces découvertes , j'ai fait aussi connaissance avec Uesugi dont je rappelle qu'il a donné son nom au temple présenté ici. Uesugi est un personnage tellement important à Yonezawa qu'il y est considéré comme proche du divin. Les qualités qui lui sont attribuées sont celles d'un excellent gestionnaire puisqu'il a amené la prospérité à cette région, et lui a permis de ne pas souffrir d'une famine qui a frappé le Japon.



Par ailleurs, à Yonezawa, un Uesugi peut en cacher un autre. Le deuxième Uesugi que je veux vous présenter (puisqu'il a été largement célébré dans la ville cette semaine) est un des samouraï les plus connus du Japon.

Je vous avais parlé la dernière fois de Tokugawa, l'unificateur du pays. L'action se situe cette fois-ci un peu avant. Le Japon est donc ... pas unifié du tout. Les pouvoirs locaux étaient très puissants et Uesugi était un des "gouverneurs locaux" les plus puissants du Japon (on appelait ça des Daimyo). Lors de mon bref passage, une célébration avait lieu à Yonezawa en la mémoire d'une bataille apparemment très importante, très longue, très sanguinolente j'imagine entre Uesugi et son grand rival (très connu lui aussi) : Takeda Shingen. Cette célébration était une véritable reconstitution, qui s'étalait sur deux jours. Le premier jour au soir, les différents chefs alliés à Uesugi se présentaient les uns après les autres et juraient fidélité tandis que la vraie bataille était représentée le lendemain. Il y a quelques siècles, ces deux grands nerveux se sont cependant affrontés pendant plusieurs années.



La version édulcorée à laquelle j'ai assistée était en tout cas plutôt jolie et intéressante dans la mesure où on s'imagine plus facilement ainsi le genre de boucheries festives qu'ils organisaient. Je plaisante à peine dans le côté esthétique de la chose. Même si la guerre est chose détestable, ces armées de Samouraïs et leurs cris sont hélas honteusement excitants. C'est même probablement fait pour.



L'heure est venue pour moi de conclure. Même si cette version de mon périple à Yonezawa n'est pas tout à fait complète, je préfère vous envoyer rapidement cet article tel quel, quitte à le compléter la semaine prochaine.

D'ici là je vous embrasse bien fort. A très bientôt pour de nouvelles surprises !

5 commentaires:

  1. bon tant pis je suis la troisième...je suis contente de t'avoir vu à la webcam le 2 mai.
    si tu veux, il y a aussi des carpes "koi" dans le bassin de mon frère qui, pour lui, sont aussi sacrées, il en est fan mais je ne pense pas pour les mêmes raisons que celles exposées dans ton commentaire! :D
    à très bientôt par webcam si tu veux, les palois ont ca aussi...et bonjour à Ruri!

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  2. Amoureux de la culture bonjour !

    Je constate que nous n'avons pas tous la même vie. Celle des chercheurs en protéines sans piles semble bien plus palpitante que celle de certains indigènes du pays vert (très vert même puisqu'il y pleut depuis six mois).
    Pourtant, je constate dans ton récit quelques similitudes avec notre propre civilisation, comme quoi le monde est petit.
    En effet, la vénération de la carpe ressemble étrangement à notre Nuit de la Sardine en plus modeste. Et quelques kilomètres vers l'Est nous emmènent à Lourdes où la grotte de Bernadette Soubirous semble avoir été téléportée à l'endroit où les prêtres shintoïstes en photo célèbrent la carpe "Koi".
    De plus, à Lourdes aussi, même si ce n'est plus souvent l'usage, on vénère le saumon qui remonte le gave de Pau contre vents, marées et déchets en tous genres balancés par des pèlerins qui squattent les bords de la rivière pour engloutir leurs sandwiches entre deux cierges-troncs.
    On appelle cela le Saumon "Toy"
    Tu nous rappelles qu'Uesugi a solutionné le problème de la famine dans sa région, mais nous-mêmes n'avons nous pas à Ciboure notre Susperregui national qui, sauf erreur de ma part, a lui-même aussi été épargné par la famine. Certaines mauvaises langues prétendent même qu'il étendait sur une corde à linge située sur le balcon de son appartement des thons rouges (pas en papier ceux-là, mais c'était avant Greenpeace...).
    Et question gouvernance, Uesugi peut aller se rhabiller en comparaison avec la dynastie Poulou !
    Je ne relèverai pas, pour ne pas froisser les érudits qui farfouillent ce blog, les velléités dont tu nous gratifie concernant Tokugawa, mais tout de même !
    Que dire de Tokugawa en comparaison avec nos Oieguberrigawa, Bozkarriozkogawa, Alegeratzenduzu et Bihotzeankristawa ? Alors ?
    Je ne voudrais pas mettre la barre trop haute, mais enfin il y a des limites ... historiques.
    Toujours pour ces mêmes érudits qui se délectent des récits de guerres entre les samouraïs de tous quartiers, ceux qui n'ont jamais assisté au mano a mano vocal à la schola paroissiale de Ciboure de feu Mme Agarrista contre le reste du monde, avec feu Txistu à la baguette, ne sauraient occulter une telle page historique.
    Et what about the band me direz-vous ?
    Et bien aux claviers (et c'est tout) Melle Gus, canines au vent, irripitignak en sang à cause des echpartignes fracassées contre les touches au sol de l'orgue surpuissant de l'Eglise. Pas étonnant qu'il faille aujourd'hui investir des milliards pour le changer ! Merci Gus !
    Yonezawa pas non plus pourquoi tant de similitudes dans nos civilisations, mais force est de constater que le monde est petit ...
    A bientôt pour de nouvelles aventures !
    Untxaissa Baietazu.

    P.S. : Tant que tu es là-bas, pourrais-tu dire à Ruri de contacter M. SUZUKI pour lui dire que ces motos sont pourries et qu'il serait assez bienvenu qu'il élargisse le diamètre des gicleurs des carburateurs car ceux-ci ont la fâcheuse tendance à se boucher, soi-disant à cause de l'essence ...
    Epilogue : M. et Mme DELAMAIN ont trois fils ; comment s'appellent-ils ?
    ...
    Thierry, Henri, Marc !

    Vive la France !

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  3. Bien entendu, toute ressemblance avec un personnage existant ou ayant existé serait fortuite et involontaire...

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